Imaginez le dernier empereur de Rome qui, désabusé, néglige la conduite de l’empire, au profit de la conduite bien plus jubilatoire d’un élevage de poules. L’aviculture comme palliatif à la dictature. Dürrenmatt s’amuse, il s’en donne à coeur joie. Mais comme l’écrivain est grand, la farce n’est qu’un prétexte et les mots deviennent profonds, ils se font inquiets, ils se nourrissent de la folie des années de guerre et de totalitarisme, à l’issue desquels ils ont été écrits. Cinquante ans après sa parution, l’avertissement visionnaire de Dürrenmatt déconcerte encore et toujours, malheureusement. Les pensées uniques de cette fin de siècle l’ignorent avec arrogance. Les répliques de Romulus n’en sont que plus poignantes.